We were too tired to help. Above 8,000 meters is not a place
where people can afford morality
Jon Krakauer, Into Thin Air
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Parce que tout le monde connait « Into T…!
…he Wild »? Non. Pas celui-lĂ . Pas aujourd’hui. Aujourd’hui on grimpe l’Everest avec Into Thin Air.
Jon Krakauer adore raconter des histoires vraies oĂą se mĂŞlent rĂŞves et tragĂ©dies en milieu naturel. C’est sa spĂ©cialitĂ©… aux lecteurs il distribue gratis pleins d’Ă©toiles dans les yeux pour mieux les arracher. Au dĂ©but on se dit : « Waaa j’aimerais tant ĂŞtre comme le narrateur… me sentir courageux pour ĂŞtre aussi libre que lui! ». Or ses histoires se terminent d’une manière si tragique qu’au final… on se sent tout aussi libre et bien aise barricadĂ© dans son fauteuil. C’est en tout cas ce que l’on peut ressentir quand on lit Into The Wild. Et c’est exactement la mĂŞme chose avec Into Thin Air! Deux livres et un auteur. Deux titres comparables comme pour mieux souligner la similaritĂ© de leurs -très simplifiĂ©es!- trames narratives:
Into the Wild | Into Thin Air |
1) C’est l’histoire d’un jeune homme dont le rĂŞve est de quitter la civilisation pour vivre Ă l’Ă©tat sauvage; | 1) C’est l’histoire d’individus dont le rĂŞve est de se dĂ©passer pour gravir l’Everest; |
2) Il part seul en road trip pour finir au fin fond du trou du cul de l’Alaska; | 2) Ils partent en expĂ©dition commerciale pour arriver au Base Camp; |
3) Mais la vie lĂ -bas est risquĂ©e… très difficile et Ă la fin il meurt… (tout seul) | 3) Mais l’assaut final est risquĂ©… très difficile et Ă la fin ils meurent… (mais pas tous). |
Connaissant l’auteur on se doute bien qu’avec Into Thin Air la grimpette sera entachĂ©e d’un couille dans le potage. Pourtant comme l’ingĂ©nue romantique qui espère que le Titanic de James Cameron ne coulera pas… on espère bien accompagner ces alpinistes gravir, pages après pages, ce mythique sommet.
Photo tirĂ©e de dans la version illustrĂ©e de Into Thin Air – mai 1996
Difficile de classer Into Thin Air. Si on peut le lire comme un roman… ce n’en est pas un. Un documentaire ou un rapport journalistique? Pas vraiment… Une cathasis? Peut-ĂŞtre… car il s’agit pour sĂ»r d’une oeuvre autobiographique: Jon Krakauer faisait parti, en tant que journaliste, de l’expĂ©dition commerciale Adventure Consultants, meurtrie par une tempĂŞte sur les flans de l’Everest en mai 1996. Huit personnes sont mortes ce jour lĂ . Jon Krakauer a survĂ©cu. Into Thin Air est son tĂ©moignage.
Caroline Mackenzie/Woodfin Camp/Time Life Pictures/Getty Images – Les clients de Adventure Consultants en 1996. Jon Krakauer est le troisième Ă partir de la gauche.
Quatre personnes de cette expĂ©dition sont dĂ©cĂ©dĂ©es dans la tempĂŞte: le leader Rob Hall (centre droit) et le guide Andy Harris (centre gauche) ainsi que les clients Doug Hansen et Yasuko Namba aux extrĂ©mitĂ©s du premier plan. Beck Weathers (plein centre, deuxième rangĂ©e) s’en est sorti miraculeusement après avoir Ă©tĂ© laissĂ© pour mort dans la neige. L’ascension s’est en grande partie dĂ©roulĂ©e avec l’expĂ©dition Mountain Madness dirigĂ©e par Scott Fischer, dĂ©cĂ©dĂ© lui aussi ce jour lĂ .
Parce qu’on en croque toutes les lignes
C’est le genre de rĂ©cit qu’on lâche difficilement. A le dĂ©vorer on se demande si finalement ce n’est pas l’inverse. Que vous soyez un amateur de hautes grimpettes, d’aventures pur jus ou de drames empathiques vous y trouverez forcĂ©ment votre compte. En ce qui me concerne je l’ai dĂ©vorĂ© pour ces raisons:
Je l’ai dĂ©vorĂ© parce qu’on le lit comme un roman. C’est sans doute la force de ce livre. Des personnalitĂ©s sont dĂ©crite avec minutie. On apprend Ă les connaitre et Ă partager leurs motivations. On se demande s’ils vont vraiment s’entendre? Si untel peut vraiment rĂ©ussir? Plus le sommet approche et plus on s’immerge avec eux dans le rĂ©cit. Plus on monte et plus on approche du dĂ©nouement. Le fait qu’il s’agisse d’un rĂ©cit autobiographique accentue ce cotĂ© la dramatique. On ne dĂ©crit pas seulement des faits. Le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements se vit de l’intĂ©rieur. Le mot « Into » prend ici tout son sens.
Je l’ai dĂ©voré parce qu’il est minutieusement documentĂ©, que ce soit sur les expĂ©ditions prĂ©sente au moment du drame, le matĂ©riel utilisĂ©, l’oxygène, le Mal Aigu des Montagnes, les nombreuses personnes impliquĂ©es etc. Cet inventaire prĂ©sent tout le long du livre permet de complĂ©ter l’histoire en elle mĂŞme par un rĂ©el travail d’investigation et de comprĂ©hension sur ce drame. Il permet aussi de mieux cerner ce qui peut se passer dans cette fameuse dead zone, au-delĂ de 7 900 mètres, et pourquoi il est si difficile de porter assistance Ă cette altitude. Plusieurs articles Ă©voquent l’univers de cette dead zone dont celui-ci.
Je l’ai dĂ©vorĂ© pour ces intĂ©ressantes mise en perspective. La livre aborde largement l’histoire de l’Everest Ă travers sa dĂ©couverte, les premières ascensions et la construction progressive du mythe. Cet aspect historique permet de mettre en perspective le tĂ©moignage et le contexte dans lequel se dĂ©roulait cette ascension. Il revient donc sur les expĂ©ditions commerciales de masse et leurs inĂ©vitables corollaires: manque de prĂ©paration des participants; concurrence entres acteurs; course Ă la publicitĂ© etc.
Les lois du marchĂ© pour le sommet l’Everest ont encore de belles annĂ©es devant elles :
 File indienne sur les pentes de l’EverestÂ
Je l’ai dĂ©voré … particulièrement bien dans le Khumbu. J’ai lu ce livre pendant un trek vers Gokyo, juste Ă cotĂ© de l’Everest. J’ai dĂ» le terminer dans un village entre 4 000 et 5 000 mètres avec une lĂ©gère migraine d’altitude. Au loin le vent balayait le sommet du Cho Oyu. La perspective de gravir plus de 8 000 mètres me semblait si difficile et si lointaine qu’on imagine aisĂ©ment l’incroyable volontĂ© de ceux qui rĂ©ussissent… et la fin tragique de ceux qui y restent.
Into Thin Air (TragĂ©die Ă l’Everest en français) de Jon Krakauer se trouve partout dans le monde et avec une forte densitĂ© dans n’importe quelle librairie nĂ©palaise. Le livre a fait l’objet de plusieurs controverses sur le dĂ©roulement prĂ©cis et des Ă©vĂ©nements et l’attitude des guides. Anatoli Broukreev, un guide prĂ©sent au moment du drame, revient sur sa version des faits dans The Climb.
Photo « A la une » tirĂ© du film Into Thin Air – Death on Everest de Robert Markowitz, 1997
Je n’ai pas lu Into thin air mais Into the wild, voyage au bout de la solitude. J’avais aimĂ© cette lecture qui m’a appris beaucoup, notamment sur le destin de Christopher Mc C, sa façon de voir les choses, l’humain qu’il Ă©tait, le voyageur qu’il a Ă©tĂ©. Je rajoute Into thin air Ă ma liste !