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Murs et lamentations #1

La Cisjordanie occupe une superficie comparable à celle de l’Oise. C’est un territoire où vivent 2,1 millions de Palestiniens… et quelques 500 000 colons barricadés et protégés par l’armée israélienne. A l’exception des principales villes chapeautées par l’Autorité palestinienne (2 % du territoire) toute la Cisjordanie est contrôlée par Tsahal. Les Palestiniens vivent ici confinés. Sans liberté de mouvement… dans ce petit territoire emmuré et progressivement morcelé par les colonies israéliennes.

Mur-Palestine

Derrière le mur… la Cisjordanie.

Sur un tel territoire les distances sont courtes. Et pourtant! De chaque ville se dégage une atmosphère qui lui est propre. On en palpe une ici. Une autre là-bas. De la souffrance à la révolte partout les sentiments s’expriment. Les murs servent à séparer. Non à museler… et par une belle ironie de l’histoire c’est sur les murs qu’on s’exprime librement! Ce point m’a particulièrement intéressé. Tags, ArtWall et affichettes… tour d’horizon de ce que nous disent les murs palestiniens.

Mur de Ramallah

La capitale de l’Autorité palestinienne (28 000 habitants) est une orientale moderne. Quelques beaux hôtels séparent les vieux quartiers ouest du cœur grouillant de la ville. A Ramallah on croise des femmes sans voiles -j’en ai même vu une habillée en punk! et des hommes curieux de vous voir ici: « Tell everybody what you see here! Do you see terrorists? No! We are not terrorists. » C’est vrai. Je n’ai pas vu de terroristes… mais à coup sûr plus de sourires qu’en trois jours à Jérusalem.

Dessiné sur un mur effrité le Père Noël de Ramallah porte désespéré un enfant palestinien. Dans ces traits gravés sur un béton quelconque l’expression de souffrance prime. Regard à droite. A gauche. De tout son long des représentations de détresse ornent le mur.

Ramallah2

Ramallah1

Certaines œuvres ne sont pas sans rappeler le style d’Edvard Munch ou des représentations célèbres de l’East Side Gallery. Je venais juste d’arriver en Palestine et il est très étrange de voir ces représentations dans un centre-ville dynamique. Pourquoi? Peut-être parce que j’imaginais la détresse palestinienne autrement. Peut-être aussi parce que la majorité des Palestiniens n’a connu que l’occupation. Cette détresse est en eux. Ils ont grandi avec. Doivent-ils pour autant s’arrêter de vivre? Heureusement non… et ces gens que certains rêveraient de voir bien loin ou à l’agonie ici grouillent de vie.

Naplouse ville martyre

Naplouse. Changement de décors. C’est ici où étaient recrutés des martyrs qui se faisaient sauter chez les Israéliens. De fait la ville a été particulièrement visée par Tsahal pendant la seconde Intifada (plus de 500 morts et 3 000 blessés palestiniens entre 2000 et 2005 selon l’ONU; imposition d’un couvre-feu etc.). La ville était en état de siège… le ressentiment à l’égard de l’occupation est ici très palpable.

Naplouse

Naplouse du haut de la colline

Deux choses m’ont marqué à Naplouse:

D’abord la beauté de cette ville -considérant son passé récent on ne s’y attend guère!- parsemée de ruelles, de voûtes et de bâtiments légués par les ottomans. Le centre-ville est aujourd’hui très actif. Marché bondé. En grimpant légèrement les collines on tombe sur de magnifiques ruelles quasi désertes.

Mais ce qui surprend le plus est l’hommage omniprésent fait aux martyrs sur les murs de la ville. Partout des affichettes grossièrement « photoshopées » représentent de jeunes gens, arme au poing, prêts à donner leur vie à la cause palestinienne. En l’occurrence ils sont déjà morts… « martyrs » pour les uns; « terroristes » pour les autres.

Naplouse-Martyrs

Balayer ces murs d’un œil européen oblige au grand écart. Il y a comme un malaise. Imaginez-vous parler avec des gens qui affichent publiquement leur soutien au « terrorisme »? Pourtant à Naplouse la majorité des habitants est adorable et vous sourit. Loin de justifier les attentats suicides ce décalage permet de balayer une partie de nos appréhensions toutes faîtes du « terrorisme ». Certes ils sont musulmans et les attentats suicides sont une aberration mais pour autant… peut-on qualifier de « terroristes » des gens prêts à mourir pour un Etat ou leur liberté de mouvement?

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