Le Sri Lanka transpire comme une goutte des pores de l’Inde. Au milieu de cette goutte se détache un vaste triangle délimité par Kandy, Anuradhapura et Polonnaruwa: un triangle « culturel » où les ruines de civilisations antiques s’égrènent le long d’une jungle plate comme la main. Et puis au centre de ce triangle trône un curieux rocher… Sigiriya!
Sigiriya: terrasse avec vue sur jungle
Sigiriya… c’est quoi ce rocher?
En haut du rocher de Sigiriya se trouve un Palais. L’histoire de la personne qui a décidé de le construire et de s’y installer est bien cocasse. C’est vrai… pourquoi se casser les noisettes à construire un Palais sur un piton rocheux de 370 mètres?
Il était une fois au Vème siècle un certain Kassapa, fils cadet de son royal père Dhatusena qui décida non seulement de tuer celui-ci mais aussi son aîné de frère, Mogallana, légitime hériter du trône. Une fois le père égorgé, Mogallana arrive à s’échapper en promettant de revenir avec toute une armée venger son paternel de roi (et accessoirement récupérer son trône). Kassapa prend peur et décide de quitte le fief royal d’Anuradhapura pour installer son nouveau Palais en haut de l’inexpugnable rocher de Sigirya. Les travaux sont titanesques et le luxe fastueux! Bassins, douves, systèmes hydrauliques dernier cri etc. Le résultat est à la hauteur de la mégalomanie paranoïaque de Kassapa.
Le régicide vit comme un pacha libidineux entouré de femmes qu’il renouvelle à foison pendant des années. Là-haut tout n’est que débauche, calme et volupté. Mais la fin du roi moins glorieuse… Quand Mogallana retrouve son indigne frère perché sur son rocher, décision est sagement faîte de l’assiéger. L’estomac de Kassapa panique…. il se rend avec ses troupes au bout d’une petite semaine de diète. Enfin il est très lentement exécuté.
De cette belle famille il n’en reste qu’un. Mogallana retourne avec son armée à Anuradhapura et Sigiriya est abandonné. Ça c’est pour l’histoire.
A l’assaut du Palais!
Mille six cents ans plus tard Sigiriya est toujours assiégé. Dès le matin une nuée de bus déverse ses groupes pour une grimpette polyglotte. A mi-hauteur se trouve de superbes fresques toujours bien colorées de jeunes femmes peu vêtues ; suivies juste après des commentaires gravés dès le VIème siècle dans un mur par les hommes qui observèrent leurs formes:
« Les femmes qui portent des chaînes en or sur la poitrine me plaisent. Depuis que j’ai vu ces femmes resplendissantes, le paradis ne me semble plus désirable ».
Traduction de commentaire sur les fresques – Mur des miroirs – Sigiriya
Quelques frissons de vertiges plus haut on arrive au Palais… on devine les fondations, les terrasses, les bassins etc. Kassapa avait fait construire un énorme système hydraulique qui permettait d’acheminer l’eau des réservoirs environnants jusqu’en haut de son rocher. La vue domine la jungle jusqu’aux montagnes à l’horizon. Une vue qui ne laisse pas indifférent celui qui voudrait fuir le monde et y plonger… C’est là que le vélo entre en action. Et c’est souvent là qu’arrive le meilleur!
Balades en vélo vers les réservoirs
La bicyclette c’est la vie! Rien de mieux que de s’échapper sur des petits chemins de terre et de se perdre dans les environs. Peu de gens semble le faire… pourtant la région est parsemée de quelques réservoirs qui autorisent de belles balades. On croise des gamins qui hurlent « Hello! »; d’autres petits curieux qui ne s’expriment qu’en « Yes! »; des femmes qui font leurs lessives et d’impensables planteurs de riz affairés en plein cagnard.
Rien de bien compliqué pour s’éloigner de Sigiriya… en quelques coups de pédales on sort des univers « bus » et « guesthouse » pour plonger dans le rien à voir. Priceless.
Grimpette au Piyundala rock!
Alors là c’était le coup de coeur! Le Pidurangala rock se trouve tout aussi haut et juste à côté de celui de Sigiriya. A cause/grâce à un accès plus compliqué (pour arriver au sommet faut traverser la jungle puis effectuer une très légère escalade) beaucoup moins de monde tente d’y accéder. La vue y est pourtant tout aussi sublime! Avec en prime cette belle sensation de dominer l’horizon. Le sommet est un énorme rock vierge qui s’élance comme un gros plongeoir vers la jungle.
Au levé ou au coucher du soleil cette expérience vaut d’autant plus le coup que le rocher de Sigiriya est interdit d’accès pour des raisons de sécurité.
Plus loin… Dambulla et Polonnaruwa
A seulement 20 km de Sigiriya se trouve Dambulla. L’étape est idéale dans le trajet qui mène à Kandy mais alors pour y dormir c’est pas terrible. Les amoureux de la roche peuvent grimper jusqu’aux temples troglodytes où reposent depuis le 1er siècle quelques 150 statues de Bouddha répartis dans 5 grottes. Il y a des singes et une jolie vue sur la jungle… mais c’est pourtant une autre curiosité qui a attiré mon attention dans cette ville: le marché! Connu pour être l’équivalent du « Rungis » sri lankais, des tonnes de fruits et légumes circulent dans de grands hangars animés par la foule et les bruits de klaxons. Toute la nourriture est essentiellement à destination de Colombo. Ça crie, ça charge et ça démarre…
Impressionnant!
Un peu plus loin à 60km à l’est de Sigirya se trouve Polonnaruwa, ancienne capitale de l’empire Chola d’Inde du sud puis des Cinghalais (le tout du Xème au XIIIème siècle). Là-aussi les vestiges de cette capitale sont les principales attractions touristiques du site. La nouvelle ville offre peu d’intérêt mais la balade en bicyclette dans les ruines et auprès de l’énorme lac Topa Wewa permet de s’échapper tranquillement vers les bourgades environnantes. A chaque arrêt des personnes viennent vous voir. Certains vous parlent de la guerre passée; d’autres de leur boulot… On observe des intrépides joggeurs et autres baigneurs. Avec un coucher de soleil rougeoyant au bord du lac… du calme et une Lion Beer, Polonnaruwa offre de solides garantis aux soirées bien posées.
La zone dite du « triangle culturel » compte bien d’autres sites comme Kandy, Matale ou Anuradhapura ainsi que des parcs (notamment celui de Minnerya) où l’on observe macaques, léopards et éléphants. Ceux qui aiment la pierre, les sites religieux (ne pas manquer le temple de la Dent à Kandy!) et qui s’intéressent aux vieilles civilisations se sentiront comme un poisson dans l’eau! J’ai pourtant davantage trouvé mon compte dans les balades effectuées dans les environs des sites: le marché de Dambulla, les réservoirs de Sigiriya, les bord du lac Topa Wewa etc. J’y ai rencontré des gens curieux et très accessibles… si bien qu’il serait dommage que le seul intérêt porté à cette région ne se limite à la pierre.